samedi 30 juillet 2016

Les dix commandements

Moïse portant les Tables de la Loi (José Ribera, 1638).


L'éthique des religions du livre (judaïsme, christianisme, islam) repose sur dix commandements dictés par Dieu à Moïse.

L'éthique bouddhiste de son côté comprend dix règles principales énoncées par Bouddha.

Ce chiffre 10 dans les deux cas interpelle. Existe-t-il des points communs entre les règles bibliques et les règles bouddhistes ?






Comparaison


L’illustration suivante permet de comparer les deux séries de préceptes :
 

Nous voyons que la deuxième table de la loi correspond à cinq des préceptes bouddhistes.
On pourrait se demander si cette concordance est ou non une coïncidence fortuite.

Selon la Bible, c’est Dieu lui-même qui a dicté les commandements à Moïse. Les bouddhistes n’admettant pas l’existence d’un Dieu suprême et unique (tout en admettant l’existence de bouddhas dotés de qualités quasi-divines), comment donc un bouddhiste pourrait-il expliquer les tables de la loi ? Il pourrait par exemple considérer que les tables ont été transmises par un bouddha, ou que Moïse lui-même aurait pu être un bodhisattva. Car les bouddhas ont le pouvoir de se manifester et de parler aux hommes, s’ils le jugent utile.

Ensuite, au-delà des préceptes eux-mêmes, il existe une différence de motivation.

La motivation biblique

Selon la bible, Dieu a fait don de la loi au peuple d’Israël, en dictant les dix commandements à Moïse. Dans quel but ? Ce n’est pas clairement indiqué dans la Bible. Comme les lois servent à organiser le bon fonctionnement d’une société, c’est peut-être la motivation biblique d’origine.

Par ailleurs la version complète du premier commandement indique Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux : chez ceux qui me haïssent, je punis la faute des pères sur les fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération ; mais ceux qui m’aiment et observent mes commandements, je leur garde ma fidélité jusqu’à la millième génération. Ce qui donne une autre raison pour respecter les commandements dictés par Dieu : éviter les punitions et être récompensé.

Dans l’évangile selon Saint-Matthieu, lorsqu’on demande au Christ comment atteindre la vie éternelle, celui-ci conseille de respecter les commandements. La motivation selon les évangiles serait donc la vie éternelle.

Selon le bon sens populaire, si on ne respecte pas les commandements, on va en enfer. Il semble que cela ne soit pas indiqué tel quel dans la bible. Mais c’est probablement l’une des motivations pour la plupart des chrétiens : ne pas aller en enfer et aller au paradis.

La motivation bouddhiste

Le bouddhisme dans son ensemble repose sur ces motivations fondamentales :
  • Obtenir le bonheur, pour soi-même et les autres êtres sensibles.
  • Supprimer la souffrance, pour soi-même et les autres êtres sensibles.

Les dix préceptes bouddhistes découlent donc également des motivations ci-dessus.
Ce ne sont pas des ordres donnés par une entité divine.
Mais le respect de ces préceptes va permettre d’accéder au bonheur, alors que leur rejet va entraîner des souffrances.

Si nous acceptons les motivations ci-dessus, ce qui est mon cas, nous pouvons alors faire preuve d’observation et d’analyse afin de rechercher les pratiques qui permettent d’accéder au bonheur et d’éviter les souffrances.

Nous pouvons par exemple analyser les dix préceptes : quelles sont les conséquences du meurtre, du vol, de la dépravation, des mensonges, des paroles méchantes, des commérages, de la calomnie, de la convoitise, de la haine et de l’ignorance. Nous allons alors constater des effets très déplaisants, ce ne sont pas les exemples qui manquent.

Dès lors l’observation des dix préceptes n’est pas un ordre imposé, mais le résultat d’une analyse et d’une décision résultant d’un examen rationnel. Ils nous permettent d’atteindre le bonheur et d’éviter les souffrances, c’est démontré par l’observation et l’analyse.

Vers une éthique laïque

Les commandements chrétiens peuvent être perçus comme des ordres émanant d’un dictateur, ce qui va rebuter les personnes rétives à l’autorité, qui peuvent les percevoir comme une atteinte à leur liberté personnelle, et peuvent aller jusqu’à volontairement les enfreindre dans leur quête aveugle de liberté.

L’éthique bouddhiste présente l’avantage de pouvoir être adoptée par une société laïque, car il n’est pas nécessaire de croire en Dieu ni même en la réincarnation.

Il suffit de se poser deux questions de base :
  •  Ai-je envie d’être heureux ?
  • Ai-je envie d’échapper à la souffrance ?

Si oui, il faut apprendre les lois de la vie et appliquer les bonnes méthodes.
Notamment la loi de causalité, qui est bien rendue par le bon sens populaire :
On récolte ce que l’on sème.
C’est vrai dans le domaine agricole, c’est vrai également dans les prairies de la vie.

Chacune de nos mauvaises actions sème des graines.
De même qu’un grain de blé va produire un grand nombre d’épis, une action néfaste va se développer puis, au bout d’un certain temps, produire ses fruits, c’est-à-dire nous revenir amplifiée en pleine figure. La loi de causalité, c’est une sorte de boomerang équipé d’un amplificateur.

Les gens ont envie d’être heureux, mais dans leur grande ignorance des lois de la vie, se trompent de méthodes et doivent affronter toutes sortes de souffrances.

Les principes bouddhistes se prêtent donc à la mise en place d’une éthique laïque applicable à tous. Attention, le bouddhisme reste une école spirituelle à part entière, puisqu’il s’occupe du développement des qualités de l’esprit, mais certains de ses aspects peuvent être mis en œuvre sans qu’il soit nécessaire de devenir bouddhiste.

Les versions complètes des préceptes

Les 10 commandements et les 10 préceptes ne sont que les points essentiels d’ensembles beaucoup plus vastes, le service minimum en quelque sorte.

En effet Dieu aurait dicté à Moïse un total de 613 commandements, dont beaucoup ont été perdus.

Dans le bouddhisme également les 10 préceptes ne forment qu’une partie des méthodes permettant d’atteindre le bonheur. Parmi les autres qualités à développer figurent l’amour, la compassion, la générosité, la concentration, la sagesse, la patience, le respect, l’enthousiasme, etc. Il y a beaucoup de défauts à corriger et de qualités à développer.

L’analyse bouddhiste au secours de l’éthique chrétienne

L’éthique chrétienne présente un inconvénient, c’est qu’il faut croire en Dieu et au Christ pour y adhérer.

L’analyse bouddhiste permet aux athées d’adhérer à la moitié des dix commandements tout en satisfaisant aux exigences de la raison, ce qui n’est déjà pas si mal.

De ce point de vue, et je l’ai déjà constaté à d’autres occasions, le bouddhisme permet aux anciens chrétiens déçus de mieux comprendre et réhabiliter leur religion d’origine.

1 commentaire:

  1. Bravo Philippe pour la clarté de ton analyse, et la beauté de la mise en page. Tu as vraiment bien intégré la philosophie bouddhiste et cela donnerait envie à plus d'uns, si je n'étais moi-même de plus en plus convaincue de la véracité et de l'utilité de la maîtrise constante de l'éléphant rétif appelé esprit.
    Tu dis qu'il serait nécessaire de croire en Dieu pour adhérer aux 10 commandements. Il me semble que si on laisse tomber les 4ers, on peut considérer qu'à partir du n°5 : ton père et ta mère honoreras, se dégage là une morale raisonnable, capable de souder une société sur des bases saines. N'est-ce pas du reste ce qu'ont fait jusqu'à ces dernières années, peu ou prou, les familles françaises, s'inspirant de la morale chrétienne, mais respectant le mariage dès lors qu'il était établi, et la loi punissant ceux qui par l'adultère le trahissaient. Certes, les 4ers Cdts sont rebutants, durs pour moi et seuls peut-être les juifs les ont respectés jsuqu'à nos jours. Les juifs pieux.
    Toute société a besoin de règles, et de règles saines, intangibles en soi, clairement définies. Et ces 6 derniers cdts sont incontestables. Le bouddhisme, comme tu le dis si bien, par contre, permet à l'individu de prendre en main son destin moral plutôt que de se le voir imposé ; c'est sans doute pourquoi, grâce aussi au rayonnement en Occident du Dalaï-Lama, il "prend" si bien dans nos sociétés en quête de sens, car plus sous emprise monothéiste.
    On peut effectivement voir en Jésus un boddhisattva, en Moïse aussi. Au fond, cela a peu d'importance de chercher ce qu'ils sont, ceci pour les chrétiens, cela pour les bouddhistes. Mais ils ont apporté au monde un message suffisamment puissant, et rempli d'amour pour séduire notre esprit dans ce qu'il a de plus élevé.
    Je suis d'accord à 100% avec ta conclusion. Nous faisons moi et mon mari le même chemin, déçus du christianisme, peut-être parce qu'il avait manqué à nos questions des réponses pratiques ou métaphysiques, nous avons évolué, moi vers le bouddhisme, lui vers la sagesse indienne védantiste, parce que nous n'avions fait que chercher des réponses à des questions existentielles. Faisant ce chemin, nous nous sommes d'ailleurs beaucoup rapprochés de la partie ultra-catholique de notre famille, cherchant à établir des liens matures plutôt que des critiques acerbes, de notre part en tout cas !
    Il y a aussi des catholiques très libres avec le dogme, vivant un catholicisme gai, ouvert, tel mon beau-frère faisant les préparations au mariage avec sa femme en Normandie, qui dit aux jeunes ce qu'il pense, comme il a vécu, avec son expérience d'éleveur de vaches laitières, en dehors de tout dogme et c'est un vrai bonheur de l'entendre dire que l'essentiel n'est pas d'aller à la messe, mais que tout est dans le coeur.
    Il est vrai que le bouddhisme a cet aspect d'analyse rigoureuse de l'esprit qui moi me séduit, que plus qu'au coeur, il parle à l'esprit en nous. L'esprit qui d'autant mieux maîtrisé, va pouvoir avoir compassion des autres.
    C'est ce que je me souhaite, cette énorme infinie compassion des bouddhas.
    Merci beaucoup encore une fois pour ce forum de discussion. Il faudrait que d'autres nous rejoignent en ce lieu de qualité.
    Cordialement



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