samedi 25 mars 2017

Comment vaincre la mort - et le sens de la vie

 « Dis tonton, à quoi ça sert tout ce que tu fais, puisque tu vas mourir un jour ? »
Ainsi parla l'une de mes petites nièces, âgée de 11 ans, au cours d'un repas de famille. J'allais lui répondre, mais elle était retournée jouer et plus du tout intéressée par le sujet. D'ailleurs elle ne se rappelle même pas m'avoir posé la question.

Mais moi je m'en rappelle, car j'ai cherché la réponse pendant bien des années. Je vais donc lui répondre ici. Qui sait, peut-être un jour se posera-t-elle à nouveau la question ?


Blaise Pascal déjà nous exhortait : pensez à la mort !

Blaise Pascal (1623-1662)
Lors de ma scolarité au Lycée François Premier de Fontainebleau, nous avons étudié un peu le philosophe Pascal et j'avais été frappé par cette exhortation:
Ce même homme qui passe tant de jours et de nuits dans la rage et dans le désespoir pour la perte d’une charge ou pour quelque offense imaginaire à son honneur, c’est celui-là même qui sait qu’il va tout perdre par la mort, sans inquiétude et sans émotion. [...] C’est un enchantement incompréhensible, et un assoupissement surnaturel.

Pourquoi nous faire beaucoup de souci pour notre situation et nos possessions immédiates, et ignorer totalement la mort alors qu'elle va nous faire tout perdre? 

Il y a là matière à réflexion, et surtout une urgence à trouver une solution.


Voici donc une première réponse que j'aurais pu donner à la petite fille :
Ta question est une bonne question, une sacrément bonne question que les philosophes aussi se sont posée. Elle mérite vraiment que l'on y réfléchisse et que l'on trouve les réponses.

La mort n'est pas la fin de tout

De nombreux récits de mort imminente montrent qu'après l'arrêt des fonctions vitales, une forme de conscience demeure encore. 

Les personnes ayant vécu cette expérience évoquent souvent un grand tunnel lumineux.

Il existe également de nombreux récits de rappels de vies passées, bien documentés, qui laissent peu de place au doute.


C'est donc une deuxième réponse que j'aurais pu donner à la petite fille:

La mort n'est pas la fin de tout. Notre existence n'est donc pas vaine.



Réincarnations remarquables


Thinley Rimpoché, Sagesses bouddhistes 1/6/14
Il existe de nombreux récits de réincarnations remarquables. Celui de Thinley Rimpoché est mon préféré, car d'une part ce moine bouddhiste se rappelle sa vie précédente, d'autre part il s'est mis à parler un tibétain parfait vers l'âge de un an, ce qui est très précoce. Qui plus est, avec un père français et une mère américaine, on parlait français et anglais à la maison. Comment donc aurait-il pu posséder cette langue difficile qu'est le tibétain, et la parler sans le moindre accent?


La meilleure explication que l'on puisse donner, c'est qu'après avoir quitté son corps précédent, il s'est réincarné au sein d'une nouvelle famille. Pour plus de détails, voir:
http://philippe2015.blogspot.fr/2015/04/reincarnation-1-thinley-rimpoche.html

Son histoire montre qu'il est non seulement possible de se rappeler ses vies passées, mais que ce nous apprenons au cours d'une vie peut être transmis aux vies suivantes.

C'est donc une troisième réponse que j'aurais pu donner à la petite fille:
Après notre mort, nous allons nous  réincarner, et nous allons emmener avec nous ce que nous avons appris.

Les réponses du Bouddha Shakyamouni

Bouddha Shakyamouni - Grande pagode de Vincennes
Ces récits de réincarnations remarquables nous montrent que certains d'entre nous sont capables de se rappeler leurs vies passées, et de conserver les aptitudes et les connaissances acquises. 

Mais tout le monde n'en est pas capable. Comment faire pour améliorer notre situation?

J'ai récemment découvert que Bouddha avait apporté des réponses à toutes ces questions il y a de cela 2600 ans.

C'est donc une quatrième réponse que j'aurais pu donner à la petite fille:

Les réponses à ta question ont été apportées par le Bouddha Shakyamouni il y a de cela 2600 ans. Et ses enseignements donnent des résultats, comme en témoigne la vie de Thinley Rimpoché.


Esprit et matière sont de nature différente

Selon Bouddha, l’esprit et la matière sont de nature différente. L’esprit n’est pas matériel. A la mort du corps, l’esprit quitte le corps puis va se réincarner dans un nouveau corps au moment de la conception.

Un peu comme une application téléchargée dans un smartphone : avant d’arriver dans le smartphone, elle est immatérielle sous forme d’ondes, avant de « s’incarner » sous la forme d’électrons dans la mémoire du smartphone.

C’est donc une cinquième réponse que j’aurais pu donner à la petite fille:

Notre esprit n’est pas matériel et poursuit sa route après la mort du corps.

Le loto de la réincarnation

Si nous avons la chance de vivre en France, en mangeant à notre faim, en bonne santé, avec une éducation et un système de santé gratuit, il se peut que la situation du monde nous échappe.

Mais il y a beaucoup des souffrances dans le monde : faim, guerres, dictatures, esclavage, maladies du corps et de l’esprit … Même si nous avons de quoi râler, il n’en reste pas moins que nous avons la chance de vivre dans un des meilleurs pays de la planète. Et même en France, toutes les vies ne sont pas roses.

Après notre mort, il n’est pas du tout garanti que nous puissions renaître dans un bon pays. 

Nous pourrions connaître la famine, la privation de liberté, l’esclavage, les maladies, ou renaître sous forme animale … C’est comme une sorte de loterie : notre renaissance va se faire au hasard.

Mais selon le bouddhisme, si nous menons correctement notre barque, nous pouvons améliorer considérablement nos chances de tirer un ticket gagnant au grand loto de la réincarnation. Comment ? C’est ce que nous allons voir maintenant.

C’est donc une sixième réponse que j’aurais pu donner à la petite fille:
Si nous ne faisons rien pour améliorer la situation, nous risquons de nous réincarner dans des conditions très pénibles ou même sous forme animale.

La loi de causalité

Tableau d'après la semeuse de Roty
Lorsque nous semons des graines, après quelques mois ou quelques années, la récolte donne ses fruits. C’est une loi de causalité au niveau matériel.
La sagesse populaire a étendu cette notion à la vie en général :
    On récolte ce que l’on sème
    Qui sème le vent récolte la tempête
Selon le bouddhisme, il existe une loi de causalité au niveau de l’esprit : chacune de nos actions sème des graines dans notre esprit (appelées karma dans le bouddhisme), et avec le temps ces graines vont germer et donner leurs fruits.

Les exemples ne manquent pas. Par exemple tel homme politique a montré un peu trop d’intérêt pour l’argent. Ces actions ont déposé des graines qui ont germé, et il doit maintenant rendre des comptes. Comme l’esprit continue sa route au-delà de la mort, les conséquences peuvent se produire également dans les vies futures.

Les actions positives vont avoir par la suite des conséquences positives, et les actions négatives auront des conséquences négatives, dans cette vie et dans les suivantes.

C’est une septième réponse que j’aurais pu donner à la petite fille:
Chacune de nos actions sème des graines dans notre esprit, qui vont donner leurs fruits dans cette vie et dans les vies suivantes. Nous avons donc intérêt à semer de bonnes graines, c'est à dire des actions positives.

L’éthique

Comment semer ces bonnes graines ?
Pour cela il faut appliquer l'éthique.

Selon le bouddhisme, si nous voulons être heureux maintenant et dans nos vies futures, il nous faut respecter 10 règles d’éthique : au niveau de nos actions (ne pas tuer, ne pas prendre ce qui n’a pas été donné, éviter les inconduites sexuelles), de nos paroles (éviter le mensonge, la calomnie, les paroles injurieuses, les bavardages inutiles), de nos pensées (éviter la convoitise, la méchanceté, les vues fausses).

C’est une conséquence de la loi de causalité : nos actions négatives vont entraîner pour nous des conséquences négatives, et nos actions positives vont entraîner des conséquences positives.

C’est une huitième réponse que j’aurais pu donner à la petite fille :
Nous allons nous réincarner, et pour que cette réincarnation se passe bien, nous devons mener une vie éthique, en pensées, en paroles et en actions.

L’étude est le meilleur de nos amis

Le vénérable Dagpo Rimpoché
Le cas de Thinley Rimpoché est très intéressant, car il nous montre que nous pouvons emmener avec nous ce que nous avons appris, par-delà le mur de la mort.

Cet exemple illustre un enseignement du Maître tibétain Dagpo Rimpoché : 

L’étude est le meilleur de nos amis, car elle nous accompagne au-delà de la mort, alors que nous devrons abandonner nos amis, notre famille et nos biens.

C’est donc une neuvième réponse que j’aurais pu donner à la petite fille:

Ce que nous apprenons va nous servir dans les vies suivantes, donc cela vaut vraiment la peine d’apprendre et de progresser, tout n’est pas perdu.



Amour et compassion

Le quatorzième Dalaï-lama
Selon le Dalaï-lama, amour et compassion sont indispensables si l’on veut progresser sur le plan spirituel, dans cette vie-ci et dans les suivantes.

En développant l’amour et la compassion pour les autres, nous les aidons à progresser, nous améliorons notre environnement, et en retour nous recevrons l’amour et l’aide des autres.

C’est donc une dixième réponse que j’aurais pu donner à la petite fille:
En développant l’amour et la compassion, nous pouvons progresser dans cette vie et dans nos vies futures, et nous aidons les gens que nous aimons à progresser.

Générosité et altruisme

Selon le moine bouddhiste Matthieu Ricard, l’altruisme et la générosité sont parmi les meilleures pratiques nous permettant d’atteindre le bonheur.

Dans son livre Plaidoyer pour l'altruisme, Matthieu Ricard exprime non seulement la sagesse bouddhiste millénaire, mais également les recherches scientifiques les plus récentes.

Ce n'est donc pas uniquement une question d'opinion, c'est maintenant une vérité scientifique.

Si donc nous faisons preuve de générosité et d’altruisme, nous allons considérablement améliorer notre situation dans cette vie-ci et dans les vies suivantes.








C’est une onzième réponse que j’aurais pu donner à la petite fille :
En pratiquant la générosité et l’altruisme, nous augmentons nos chances de bonheur dans cette vie-ci et dans nos vies futures.

Le sens de la vie

Shantideva (685-763)
Selon le grand Maître Indien Shantideva, 
Le Samsara est un océan de souffrances dans lequel notre corps est comme un bateau, qui peut nous aider à nous libérer de cette souffrance en nous aidant à gagner l'autre rive.

Pour les bouddhistes, le samsara est le cycle des existences successives, soumises à la souffrance. Même si nous menons une vie heureuse, nous devrons un jour affronter les souffrances de la mort et de la séparation.

Mais si nous avons la chance d’avoir une bonne santé, de manger à notre faim, de vivre dans un pays libre et en paix (ce que les bouddhistes appellent une existence humaine disponible et qualifiée), profitons de ce support de vie pour accomplir les actions qui vont nous permettre d’être heureux et d’échapper à la souffrance dans cette vie et dans les vies suivantes. Ce qui ne serait pas possible si nous avions un corps d’animal. Le corps humain est comme un bateau exceptionnel, ce serait du gaspillage que de ne pas l’utiliser pour atteindre les rivages des vies heureuses.

C’est une douzième réponse que j’aurais pu donner à la petite fille :
Notre vie a un sens, elle est précieuse, c’est une chance rare, nous devons éviter de la gaspiller en activités futiles, et l’utiliser pour des activités favorisant des renaissances heureuses.

En conclusion

En observant la vie et en analysant la situation, nous pouvons atteindre un niveau de certitude relativement élevé quant aux points suivants :

Après notre mort, nous allons nous réincarner ;
Pour que cette réincarnation se passe bien :
  • Menons une vie éthique ;
  • Développons l’amour et la compassion ;
  • Pratiquons l’altruisme et la générosité ;
  • Étudions, car nos connaissances nous accompagneront au fil de nos vies ;
  • Évitons les activités futiles, remplaçons-les par des activités utiles.

Voila donc quel sens nous pouvons donner à notre vie et à nos actions.

Résumé

Question :  

« Dis tonton, à quoi ça sert tout ce que tu fais, puisque tu vas mourir un jour ? »

Réponses :

1.Ta question est une bonne question, une sacrément bonne question que les philosophes aussi se sont posée. Elle mérite vraiment que l'on y réfléchisse et que l'on trouve les réponses.

2. La mort n'est pas la fin de tout. Notre existence n'est donc pas vaine.

3. Après notre mort, nous allons nous  réincarner, et nous allons emmener avec nous ce que nous avons appris.

4. Les réponses à ta question ont été apportées par le Bouddha Shakyamouni il y a de cela 2600 ans. Et ses enseignements donnent des résultats, comme en témoigne la vie de Thinley Rimpoché.

5. Notre esprit n’est pas matériel et poursuit sa route après la mort du corps.

6. Si nous ne faisons rien pour améliorer la situation, nous risquons de nous réincarner dans des conditions très pénibles ou même sous forme animale.

7. Chacune de nos actions sème des graines dans notre esprit, qui vont donner leurs fruits dans cette vie et dans les vies suivantes. Nous avons donc intérêt à semer de bonnes graines, c'est à dire des actions positives.

8. Nous allons nous réincarner, et pour que cette réincarnation se passe bien, nous devons mener une vie éthique, en pensées, en paroles et en actions.

9. Ce que nous apprenons va nous servir dans les vies suivantes, donc cela vaut vraiment la peine d’apprendre et de progresser, tout n’est pas perdu.

10. En développant l’amour et la compassion, nous pouvons progresser dans cette vie et dans nos vies futures, et nous aidons les gens que nous aimons à progresser.

11. En pratiquant la générosité et l’altruisme, nous augmentons nos chances de bonheur dans cette vie-ci et dans nos vies futures.

12. Notre vie a un sens, elle est précieuse, c’est une chance rare, nous devons éviter de la gaspiller en activités futiles, et l’utiliser pour des activités favorisant des renaissances heureuses.


2 commentaires:

  1. Merci pour cet excellent développement qui comme toujours dans ce blog mêle le profond à l'agréable sensible. Qu'ajouter de plus ! Tout est là, et j'ai bien envie de me le copier-coller, ce raisonnement ! Sauf qu'il faut une sacrée foi, sans cesse remise à jour dans notre esprit, pour ne pas succomber, aux activités futiles, par exemple, et au scepticisme parfois. Je n'ai pas cette foi lumineuse. Doute doute doute... J'ai relu l'autre jour une stance de Santideva qui disait que nos ennemis étaient à respecter comme nous mettant sur le chemin de la patience, qu'ils étaient même une aubaine. J'espère que ces doutes sont mes meilleurs ennemis. Encore toutes mes chaleureuses félicitations. En tout cas, cette petite nièce a été ta meilleure amie en te posant cette question, ce qui t'a permis de nous offrir cette vue synthétique. Fais connaître ton blog !!!

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    1. Merci également.

      Concernant les doutes et la foi, c'est justement l'une des forces du bouddhisme que de nous permettre d'atteindre des certitudes basées sur l'observation, la raison et les résultats de la pratique.

      Cela peut aider également de penser que la mort nous attend au tournant, non pas pour nous déprimer, mais au contraire pour réaliser que nous ne pouvons nous offrir le luxe d'être des dilettantes. C'est une incitation puissante qui peut nous aider à perdre moins de temps et à être plus efficace.

      Bien amicalement,

      Philippe


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