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Moïse portant les Tables de la Loi (José Ribera, 1638). |
L'éthique des religions du livre (judaïsme, christianisme, islam) repose sur dix commandements dictés par Dieu à Moïse.
L'éthique bouddhiste de son côté comprend dix règles principales énoncées par Bouddha.
L'éthique bouddhiste de son côté comprend dix règles principales énoncées par Bouddha.
Ce chiffre 10 dans les deux cas interpelle. Existe-t-il des points communs entre les règles bibliques et les règles bouddhistes ?
Comparaison
L’illustration suivante permet de comparer les deux séries
de préceptes :
Nous voyons que la deuxième table de la loi correspond à
cinq des préceptes bouddhistes.
On pourrait se demander si cette concordance est ou non une
coïncidence fortuite.
Selon la Bible, c’est Dieu lui-même qui a dicté les
commandements à Moïse. Les bouddhistes n’admettant pas l’existence d’un Dieu
suprême et unique (tout en admettant l’existence de bouddhas dotés de qualités quasi-divines), comment donc un bouddhiste pourrait-il expliquer les tables de la
loi ? Il pourrait par exemple considérer que les tables ont été transmises
par un bouddha, ou que Moïse lui-même aurait pu être un bodhisattva. Car les
bouddhas ont le pouvoir de se manifester et de parler aux hommes, s’ils le
jugent utile.
Ensuite, au-delà des préceptes eux-mêmes, il existe une
différence de motivation.
La motivation biblique
Selon la bible, Dieu a fait don de la loi au peuple
d’Israël, en dictant les dix commandements à Moïse. Dans quel but ? Ce
n’est pas clairement indiqué dans la Bible. Comme les lois servent à organiser
le bon fonctionnement d’une société, c’est peut-être la motivation biblique
d’origine.
Par ailleurs la version complète du premier commandement
indique Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux : chez ceux
qui me haïssent, je punis la faute des pères sur les fils, jusqu’à la troisième
et la quatrième génération ; mais ceux qui m’aiment et observent mes
commandements, je leur garde ma fidélité jusqu’à la millième génération. Ce
qui donne une autre raison pour respecter les commandements dictés par
Dieu : éviter les punitions et être récompensé.
Dans l’évangile selon Saint-Matthieu, lorsqu’on demande au
Christ comment atteindre la vie éternelle, celui-ci conseille de respecter les
commandements. La motivation selon les évangiles serait donc la vie éternelle.
Selon le bon sens populaire, si on ne respecte pas les
commandements, on va en enfer. Il semble que cela ne soit pas indiqué tel quel
dans la bible. Mais c’est probablement l’une des motivations pour la plupart
des chrétiens : ne pas aller en enfer et aller au paradis.
La motivation bouddhiste
Le bouddhisme dans son ensemble repose sur ces motivations
fondamentales :
- Obtenir le bonheur, pour soi-même et les autres êtres sensibles.
- Supprimer la souffrance, pour soi-même et les autres êtres sensibles.
Les dix préceptes bouddhistes découlent donc également des
motivations ci-dessus.
Ce ne sont pas des ordres donnés par une entité divine.
Mais le respect de ces préceptes va permettre d’accéder au
bonheur, alors que leur rejet va entraîner des souffrances.
Si nous acceptons les motivations ci-dessus, ce qui est mon
cas, nous pouvons alors faire preuve d’observation et d’analyse afin de
rechercher les pratiques qui permettent d’accéder au bonheur et d’éviter les
souffrances.
Nous pouvons par exemple analyser les dix préceptes :
quelles sont les conséquences du meurtre, du vol, de la dépravation, des
mensonges, des paroles méchantes, des commérages, de la calomnie, de la
convoitise, de la haine et de l’ignorance. Nous allons alors constater des
effets très déplaisants, ce ne sont pas les exemples qui manquent.
Dès lors l’observation des dix préceptes n’est pas un ordre
imposé, mais le résultat d’une analyse et d’une décision résultant d’un examen
rationnel. Ils nous permettent d’atteindre le bonheur et d’éviter les
souffrances, c’est démontré par l’observation et l’analyse.
Vers une éthique laïque
Les commandements chrétiens peuvent être perçus comme des
ordres émanant d’un dictateur, ce qui va rebuter les personnes rétives à
l’autorité, qui peuvent les percevoir comme une atteinte à leur liberté
personnelle, et peuvent aller jusqu’à volontairement les enfreindre dans leur
quête aveugle de liberté.
L’éthique bouddhiste présente l’avantage de pouvoir être
adoptée par une société laïque, car il n’est pas nécessaire de croire en Dieu
ni même en la réincarnation.
Il suffit de se poser deux questions de base :
- Ai-je envie d’être heureux ?
- Ai-je envie d’échapper à la souffrance ?
Si oui, il faut apprendre les lois de la vie et appliquer
les bonnes méthodes.
Notamment la loi de causalité, qui est bien rendue par le
bon sens populaire :
On récolte ce que l’on sème.
C’est vrai dans le domaine agricole, c’est vrai également
dans les prairies de la vie.
Chacune de nos mauvaises actions sème des graines.
De même qu’un grain de blé va produire un grand nombre
d’épis, une action néfaste va se développer puis, au bout d’un certain temps,
produire ses fruits, c’est-à-dire nous revenir amplifiée en pleine figure. La
loi de causalité, c’est une sorte de boomerang équipé d’un amplificateur.
Les gens ont envie d’être heureux, mais dans leur grande
ignorance des lois de la vie, se trompent de méthodes et doivent affronter
toutes sortes de souffrances.
Les principes bouddhistes se prêtent donc à la mise en place
d’une éthique laïque applicable à tous. Attention, le bouddhisme reste une
école spirituelle à part entière, puisqu’il s’occupe du développement des
qualités de l’esprit, mais certains de ses aspects peuvent être mis en œuvre
sans qu’il soit nécessaire de devenir bouddhiste.
Les versions complètes des préceptes
Les 10 commandements et les 10 préceptes ne sont que les
points essentiels d’ensembles beaucoup plus vastes, le service minimum en
quelque sorte.
En effet Dieu aurait dicté à Moïse un total de 613 commandements,
dont beaucoup ont été perdus.
Dans le bouddhisme également les 10 préceptes ne forment
qu’une partie des méthodes permettant d’atteindre le bonheur. Parmi les autres
qualités à développer figurent l’amour, la compassion, la générosité, la
concentration, la sagesse, la patience, le respect, l’enthousiasme, etc. Il y a
beaucoup de défauts à corriger et de qualités à développer.
L’analyse bouddhiste au secours de l’éthique chrétienne
L’éthique chrétienne présente un inconvénient, c’est qu’il
faut croire en Dieu et au Christ pour y adhérer.
L’analyse bouddhiste permet aux athées d’adhérer à la moitié
des dix commandements tout en satisfaisant aux exigences de la raison, ce qui
n’est déjà pas si mal.
De ce point de vue, et je l’ai déjà constaté à d’autres
occasions, le bouddhisme permet aux anciens chrétiens déçus de mieux comprendre
et réhabiliter leur religion d’origine.